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«Le phénomène du leader»

Дата: 18 августа 2020 в 11:52 Категория: Новости авто



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L'anniversaire de Noursoultan Nazarbaïev est l’occasion de se rappeler pourquoi il a dirigé avec succès le pays pendant trois décennies. Le Kazakhstan est l'un des rares États post-soviétiques à avoir échappé aux conflits interethniques, aux confrontations militaires, aux crises sociales, et Nazarbaïev est l'un des rares hommes politiques à ne pas avoir trouvé d’alternative crédible durant toute la durée de sa présidence.  

Aujourd'hui, s’il s’agit de faire le bilan de ce qui a été accompli, il est très facile de parler de ce qui aurait pu être mieux fait et comment. Les jeunes qui ont grandi au cours de ces dernières décennies adoptent souvent une position extrême lorsqu'ils évoquent les actions de Noursoultan Nazarbaïev.

Beaucoup ne se souviennent pas ou n’ont tout simplement pas connaissance de la situation dans laquelle se trouvait le pays il y a trente ans de cela : une crise économique et politique, une dégradation des relations interethniques, des grèves de mineurs, des émeutes à Novy Uzen, des rassemblements de radicaux, une confrontation à Ouralsk, une grève de la faim des soldats à Baïkonour, une attaque de nationalistes contre l'Administration Spirituelle des Musulmans du Kazakhstan, des perspectives incompréhensibles de réformes économiques, une chute de la production et une fermeture massive des entreprises, des pyramides financières, une criminalité galopante et des meurtres commandités dans le centre des grandes villes.

Autour du Kazakhstan — les événements d'Och, les conflits interethniques en Ouzbékistan, les guerres au Karabagh, au Tadjikistan, en Afghanistan, les conflits territoriaux et frontaliers. Le fait que le Kazakhstan ait réussi à passer ces événements sans effusion de sang, massacres ou saccages, s'explique désormais par la sagesse du peuple. Il faut relativiser ce point de vue, mais nous avons vu d'autres peuples sages et grands qui, en l’espace d’un instant, ont pris des fourches, des torches et des mitrailleuses sans pouvoir s'arrêter à temps. Je pense que le «phénomène du leader», qui doit être discuté séparément, a grandement joué là-dedans.

Le futur Premier Président, au moment où il dirigea le pays, disposait d’une solide formation académique et politique, mais pas uniquement. Il avait notamment acquis une expérience professionnelle dans la production, le Komsomol et le parti à Temirtaw, une ville complexe et problématique, mais active et internationale. À l'âge de 37 ans, Nazarbaïev, déjà expérimenté comme manager, fut transféré au niveau régional : d'abord comme secrétaire du Comité Régional pour l'industrie, puis comme deuxième secrétaire du Comité Régional, dont les responsabilités comprenaient les questions d'organisation et de personnel ainsi que le travail des forces de l'ordre. À l'âge de 39 ans, il fut dirigé vers la capitale pour prendre le poste de secrétaire du Comité Central du Parti Communiste kazakh pour l'industrie.

C'était le nom usuel du poste à l’époque, mais le périmètre englobait les questions d’industrie lourde et légère, du commerce, de services aux consommateurs, de la planification, c'est-à-dire pratiquement tous les secteurs économiques du pays. Il convient de noter ici que les domaines supervisés devaient être parfaitement maîtrisés, que ce soit le personnel de direction et d'ingénierie ou les relations avec les organes centraux, républicains et locaux, afin d’être en permanence informé de ce qui se passait et d’être en mesure de prendre les bonnes décisions.

En 1984, Kounaïev proposa la candidature de Nazarbaïev, 44 ans, au poste de Président du Conseil des Ministres — en fait, le deuxième poste le plus important de la République. De plus, il le nomma à la place d'un homme politique d’expérience, Baiken Ashimov, qui dirigea le gouvernement pendant 14 ans. Moscou soutint cette candidature. A cette époque, personne n’avait encore évoqué de réformes économiques d’envergure. La restructuration ne commença qu'un an plus tard. Accélération, publicité, démocratisation. Changement de génération. Des attaques avec preuves compromettantes à l’appui, à côté desquelles les guerres d'information auxquelles nous assistons de nos jours sont une bagatelle. Nazarbaïev était considéré par tous, y compris par Kounaïev lui-même, comme le futur dirigeant le plus probable de la République, mais au début de l’année 1986, il était clair que la situation dans la République était arrivée à un point critique. De nombreux membres du personnel parmi les plus anciens furent discrédités et arriva un moment où le Premier Ministre dut faire des choix : poursuivre avec l'ancienne direction ou la défier et diriger le mouvement pour le changement. Le choix fut plus que difficile, mais Nazarbaïev le fit tout de même...

Ce sont, somme toute, des étapes classiques dans un parcours politique, mais celles-ci façonnèrent le futur leader de la nation en tant que personne. Il passa de simple travailleur à Premier Ministre, travailla au niveau de la ville, de la région, du secteur, connaissait parfaitement les problèmes économiques du pays, les principes de gestion du personnel, était un orateur accompli, savait s’adapter à presque tous les publics mais surtout, il était prêt à affronter les changements, peu importe les difficultés qu’il allait rencontrer. À l'âge de 49 ans, Nazarbaïev, alors dirigeant du Kazakhstan, était un politicien aguerri qui savait traiter avec les autres responsables de la République pour atteindre le niveau de l’Union. Moins d'un an après son élection en forme de plébiscite comme Premier Secrétaire du Comité Central du CPC, il était déjà considéré comme un prétendant sérieux aux postes de Président du Parlement de l'Union, d’alternative à Gorbatchev pour le parti, de Premier Ministre et de Vice-Président de l'URSS. Il refusa certains postes lui-même, et si nul ne put résoudre la question de son remplacement à Alma-Ata et que ce fut une perte pour l'Union Soviétique, ce fut sans aucun doute un gain pour le Kazakhstan.

Il existe trois formules célèbres que le Premier Président utilisa au cours de sa carrière. La première est «sans droite et sans gauche». Le titre de cet ouvrage, publié par le Président du Kazakhstan en 1991, résume parfaitement son parcours politique. Il ne s'agissait pas seulement d'un déni du radicalisme politique, national, économique, confessionnel, mais plutôt d'un centrisme profond, fondé sur des principes, prêt à s’inspirer des meilleures idées venant de tous bords, et toujours basé sur les intérêts de la majorité, le centre. En économie, cela se manifesta par exemple par le fait que chaque réforme au niveau du marché venait nécessairement avec un programme de mesures sociales, pas comme un contrepoids, mais comme un élément inhérent à la réforme dans son ensemble.

Il convient de noter que Nazarbaïev n'avait pas pour habitude de « passer d’un bord à l’autre ». Le Premier Président – et il fut respecté pour cela à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, a toujours adhéré à une ligne générale, inscrite dans la loi fondamentale de 1995 : stabilité + consentement + patriotisme, à laquelle on peut ajouter l'eurasisme pour la traditionnelle coexistence pacifique entre les peuples du Kazakhstan et ceux d'Eurasie.

Le Premier Président ne tenta jamais de prouver ou d'imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. On peut noter également un fort instinct politique : Nazarbaïev réagissait parfois plus rapidement que sa propre administration et son propre gouvernement à certaines demandes émanant de la société civile ; en même temps, il comprenait parfaitement les limites à ne pas franchir en matière de politique nationale.  Enfin, et cela a toute son importance, le Président comprenait parfaitement les particularités culturelles nationales, les besoins et les capacités de ses concitoyens, ainsi que le fait qu’il y avait des limites dans les possibilités d'utilisation de leur potentiel.

Je me souviens que dans les années 1990, Nazarbaïev, interrogé par un animateur de NTV sur sa blague préférée, raconta la fameuse blague de l’Ukrainien, de l’Allemand et du Kazakh qui se retrouvent sur une île déserte (»... Bonjour, je suis Nurgali, votre officier de police de district»). Et cela est très caractéristique.

La deuxième formule de Nazarbaïev est «l'économie d'abord, la politique ensuite». Cette formulation fut critiquée plus d'une fois, notamment par des politiciens qui s'indignaient que le peuple ne fût pas suffisamment «mûr» pour voter pour eux ou pour faire la révolution. Le problème de l'évolution politique du pays est que, comme mentionné précédemment, il n'y avait pas de véritable alternative à Nazarbaïev, bien que les mouvements de responsables politiques vers l'opposition aient été assez réguliers durant ces années. Pas si nombreux, mais réguliers. Les personnes passées dans l'opposition sont celles qui, littéralement hier (avant-hier et le jour précédent), étaient du même bord mais qui se sont lancées dans de vives critiques dès qu’elles ont vu, pour la plupart d’entre elles, la rivalité d’appareil leur échapper, et non pas la rivalité politique ou idéologique. Il n'y avait pas d’effervescence populaire dans la rue ; les candidats au rôle d'opposant à Nazarbaïev ou disons plutôt à la «conscience de la nation» n'étaient pas mûrs. Bien entendu, il y avait des candidats isolés (et cela est encore le cas aujourd'hui), mais d'une manière ou d'une autre, ils firent rapidement marche arrière ou volte-face, non sans coût pour eux. Quoiqu’il en soit, le peuple voyait dans ces anciens fonctionnaires, des perdants ou des personnes venues de nulle part plus qu’une réelle opposition ou alternative, et s’il pouvait parfois lui arriver de leur témoigner un soutien verbal, il ne les suivait pas en tout état de cause. D'une part, il ne voyait aucune force en eux, d'autre part, personne dans la conscience de masse n'était véritablement séduit par l’idée d’avoir une alternative à Nazarbaïev.

Vers la fin des années 1990, lorsque la stratification de la société débuta, les détracteurs du Président se firent plus nombreux, mais sans jamais atteindre une « masse critique », peu importe les efforts déployés par certains acteurs à l'intérieur comme à l'extérieur de la République. Nazarbaïev pressentait ces moments et avait toujours un pion d’avance. Ses discours furent toujours intéressants à écouter, même s’ils conduisirent parfois leurs rédacteurs à une crise de nerfs.  En effet, le Président, quand il le jugeait nécessaire, s'éloignait souvent du texte convenu et ces improvisations constituaient sa marque de fabrique. Peu importe les efforts déployés par l'appareil, cela constituait les « petites pépites » du Président, qui touchaient directement le « peuple » et étaient reprises dans les citations.

Je me souviens qu'une année, l'appareil dut réécrire complètement le message présidentiel, parce que le dirigeant s'était tellement éloigné du texte en en modifiant la tonalité que cela aboutit à un document très différent, avec des tâches différentes. Nazarbaïev avait surement dû sentir instinctivement que le projet initial n'était pas ce dont le pays avait besoin.

Certains dirent que Nazarbaïev avait envisagé et prévu de démissionner de la présidence quelques années plus tôt, mais ses collaborateurs — tant idéologues qu'économistes — n'avaient pas pu développer un tel message d’au revoir, une sorte de testament politique, comme un manifesto de fin qui définirait le développement du pays à sa succession. C'est la raison pour laquelle Nazarbaïev choisit le modèle qui fut mis en pratique en mars 2019 afin de véhiculer personnellement au pays et à la société ces messages encore non formulés.

Les autorités « bronzèrent » à cette période, de plus en plus de fonctionnaires de tous grades enfreignirent «les principes de la méritocratie», de nombreuses lignes directrices de programmes ne furent pas suivies, mais, en évaluant les possibilités de développement des événements avec un peu de recul, cela ne fut que le simple cours naturel de l'histoire. L'économie et l'État avaient relativement bien fonctionné, même si les résultats étaient peut-être en deçà des attentes, mais les principes de base avaient été préservés. Aux éternels insatisfaits qui pensent que les choses auraient pu être mieux faites, oui, sans doute, mais la situation aurait pu également être bien pire.

En toute objectivité, le modèle qui en découle n’est que le résultat des efforts qui ont été consacrés, en tenant compte de la matière première de départ et des contraintes externes, bref des normes. La critique doit toujours être relativisée. Je me souviens de cette insatisfaction face à la reconstruction — certes longue — du centre d'Almaty pendant la période où Bauyrjan Baibek était maire de la ville. Le maire était sans cesse critiqué, jusqu’à ce que de nouvelles zones piétonnes et fontaines virent le jour et que la critique se dissipa. Pourtant, une réforme en profondeur est bien plus importante que le simple remplacement de bordures et d'asphalte que l’on demandait à certains prédécesseurs et successeurs du maire.

Il y a des choses qui sont difficiles à évaluer sur le plan matériel. Je me souviens d'un jour férié où le Président de l'Ouzbékistan, Islam Karimov, un ancien rival au poste de leader régional, se rendit dans la nouvelle capitale, Astana. Nazarbaïev lui montra Bayterek, le Palais de la Paix et de la Réconciliation ainsi que d'autres projets d'investissement, et à un moment donné, une expression étrange apparut dans les yeux du leader ouzbek, ancien Ministre des Finances et membre du Comité de Planification de l'État, une expression qui semblait combiner calcul, désir, envie et une sorte de compréhension. La caméra de télévision captura le moment où le Président kazakh saisit cette expression dans les yeux de Karimov et comprit ce qu’il pouvait ressentir à ce moment-là. Et le commentateur eut ces mots qui retranscrivaient parfaitement le moment : «Comme le dit le vieux proverbe, quand un Ouzbek suit un Kazakh, il ne s’égare pas».

La troisième formule de Nazarbaïev est la suivante : « derrière le mot «crise», se cachent deux sens : un qui signifie «problème» et un autre qui signifie «opportunité». Nous pourrions dire que le Premier Président apparut à maintes reprises dans des circonstances où il joua un rôle de «gestionnaire de crise», mais cette définition ne correspondrait pas à Nazarbaïev dans son principe. En effet, je ne pourrais pas dire que le Premier Président affectionnait particulièrement les crises, qu’elles soient économiques ou politiques, mais en tout cas, il ne les craignait pas.

Nazarbaïev savait agir aussi bien dans des situations stables que dans des situations de crise, percevant ces dernières non pas comme un défi, mais comme faisant partie intégrante de son travail. Dans une certaine mesure, cela se manifesta dans son attitude envers ses compagnons d'armes : s’il mit certains de ses cercles à rude épreuve pendant plusieurs années, en les envoyant en région, dans l'industrie, voire en les humiliant, il sut également les rapprocher de lui par la suite et leur confier de grands pouvoirs.

Quelles que soient leurs ambitions, tous ne se sont pas vu confier des postes aussi stratégiques que ceux de Premier Ministre ou de Chef de l'Administration Présidentielle. S’il savait faire preuve de calme et de compréhension envers les faiblesses humaines de ses collaborateurs, il sut également écarter soigneusement ceux qui se contentaient simplement de lui être fidèles. Nazarbaïev sut attirer les jeunes avec passion, en leur donnant parfois une très grande latitude. Imangali Tasmagambetov, 36 ans, qui devint l'assistant de Nazarbaïev, se révéla être l'un des représentants les plus éminents de l'élite dirigeante du Kazakhstan (à la fois l'un des plus critiqués, mais aussi le plus populaire). Nurlan Qapparov, 27 ans, se vit confier le poste de dirigeant de la compagnie nationale KazTransOil et, là encore, malgré les critiques, son autorité en tant que directeur et homme politique a toujours été sans faille. Le journaliste Altynbek Sarsenbaïev, 29 ans, se vit confier l'important poste de responsable du département de politique interne de l'appareil présidentiel, puis de Ministre de l'Information, et devint l'un des idéologues et stratèges politiques les plus doués du pays.

Aux yeux des journalistes, il persistera toujours cette idée de domination de la «vieille garde» du président, sur le «jeu du personnel constamment remanié», mais il s'agit en fait d'une défaillance de la perception : certains d’entre eux se sont habitués aux mêmes visages et n'ont pas remarqué les nouveaux arrivants. En réalité, la «vieille garde» a, pour la plupart, quitté les lieux il y a longtemps.

Aujourd'hui, seuls sont restés le Directeur du Fonds Souverain Samruk-Kazyna, Akhmetzhan Yesimov, et, peut-être, le Chef du Bureau du Premier Président, Mahmud Kasymbekov, qui a travaillé dans l'administration Nazarbaïev pendant les 29 années de sa présidence.

Mais des personnes comme le Secrétaire du Conseil de Sécurité Asset Issekeshev, le Chef du KNB Karim Massimov, l'assistant d'Elbasy Abai Bisembaïev ou le chef du parti Nur Otan Bauyrjan Baibek étaient encore à l'école lorsque le même Yesimov était déjà Secrétaire du Comité Régional du parti. Aujourd'hui, elles comptent parmi les personnalités les plus influentes du pays. Les élites se sont profondément renouvelées, et c'est le fruit de la politique menée par Noursoultan Nazarbaïev.

L'ère Nazarbaïev dans l'histoire moderne du Kazakhstan est loin d’être achevée : le leader de la nation écrit maintenant une nouvelle page de son histoire. Il a guidé le pays au gré des crises politiques, économiques et sociales, a créé un nouvel appareil d'État, a assuré la reconnaissance internationale du Kazakhstan indépendant, a préparé un successeur et a veillé à une transition de pouvoir tout en douceur. La période qu’il a passée au pouvoir doit encore faire l’objet d’une évaluation objective, mais on entend déjà se murmurer dans certaines discussions : «De telles choses n’avaient pas lieu du temps du Premier Président». Même si elle est parfois prononcée sur un ton quelque peu humoristique, cette phrase revêt tout de même un certain sens.

 

Daniyar Ashimbaev, politologue, chercheur principal à l’Institut de Sécurité et de Coopération en Asie Centrale

По сообщению сайта Редакция портала

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