Une gouvernance forte et le développement du Kazakhstan

Дата: 25 августа 2020 в 17:24 Категория: Новости авто

Aujourd’hui, l’ancienne idéologie, vivement discutée par l’opinion publique il y a une quinzaine d’années, fait quasiment partie du passé. Il s’agit d’autoritarisme éclairé, qui a été mentionné pour la première fois, autant que je me souvienne, par l’homme et analyste politique français Alex Moskovich, le conseiller extérieur de Nursultan Nazarbaïev. A cette époque, la critique condamnait l’autoritarisme, mais la deuxième partie de l’équation, indispensable à sa compréhension, fut écartée du débat.   

Le Kazakhstan ne peut pas se permettre d’avoir une structure de pouvoir faible. Un contrôle présidentiel fort permet de renforcer les frontières et ainsi l’intégrité territoriale du pays ; il permet également de trouver un équilibre face à la composition complexe de la population sur le plan national et face aux appétits des élites régionales, financières et traditionnelles, et sert d’arbitre dans tous les conflits externes et internes. Un pouvoir solide éloigne le radicalisme politique, national et religieux du champ sociopolitique. Une gouvernance solide renforce à la fois les élites et la nation en temps de crise. Une gouvernance solide favorise également un développement plus homogène de l’ensemble des régions et des divers groupes sociaux. Enfin, une gouvernance solide est essentielle pour la mise en œuvre des réformes nécessaires à l’avenir du pays, même si elles peuvent parfois être douloureuses.

Tout le monde est bien conscient des risques pouvant provenir de l’intérieur comme de l’extérieur des frontières. Outre les problèmes d’ordre géopolitique (pétrole et situation géographique), la société kazakhe génère régulièrement en son sein un certain nombre de problèmes, apparus autrefois dans les pays voisins mais qui représentent toujours une menace pour leur stabilité.

Je me souviens que pendant près de quinze ans, un expert reconnu prédisait chaque année lors du sondage traditionnel de la nouvelle année, que le pays allait s’effondrer, que son économie allait s’effondrer ou qu’une guerre civile débuterait. Et pourtant année après année, et plus d’une décennie plus tard, aucune de ces prédictions ne n’est réalisée.

Il n’y avait pas de conflit d’ordre purement ethnique dans le pays. La plupart des incidents étaient liés à la criminalité et à l’économie, et toujours très locaux. Le peu d’actes terroristes recensés n’étaient que des actes isolés, les services de renseignement du pays ayant fait le nécessaire pour identifier et éradiquer toute forme d’action organisée.  

Les institutions gouvernementales, malgré toutes les critiques qui leur sont faites, le niveau élevé de corruption et leur faible efficacité, continuent de fonctionner bon gré mal gré, même si cela reste en dessous de nos attentes. Quant à l'économie, même si elle a subi de nombreuses crises tant internes que externes durant les années d'indépendance, elle fonctionne voire se développe, parfois même à l’encontre de certains programmes gouvernementaux. De toute évidence, les domaines d’amélioration sont nombreux, mais connaissant l’état d’esprit des employés et leur motivation, nous pouvons apprécier le fait que cela aurait pu être bien pire. 

C'est précisément le phénomène de l'autoritarisme éclairé. Les représentants du pouvoir — que dis-je — le premier Président du Kazakhstan lui-même a pu bâtir les institutions d'un État indépendant reconnu à l’échelle internationale, résister pendant trois décennies aux tentations radicales et extrémistes et mener la réforme du système économique, tout en contenant autant que possible les risques d’ordre social.

Avec le regard d’aujourd’hui, il est facile de critiquer la plupart des changements entrepris, cependant peu se souviennent ou essaient de comprendre ce que le pays a traversé, tout particulièrement dans les années 90. 

Nazarbaïev a maintenu la paix et la stabilité au Kazakhstan, et cela mérite d’être rappelé et retenu dans l’histoire. Le pouvoir en place était en avance sur son temps dans les discours idéologiques et économiques. Le premier Président, en recherche de nouvelles voies de développement, n’a pas hésité à convier de nouvelles personnalités du monde de la science, des affaires, des figures locales, et a contribué à rajeunir le gouvernement. Nous avons souvent parlé du même jeu de cartes, que Nazarbaïev ne cessait de battre, de la vieille garde, qui soi-disant tenait fermement la défense et ne laissait pas entrer les jeunes.

Pour illustrer cela, regardons le classement des personnalités les plus influentes du pays au début de l’année 2019, selon l’étude du Strategy Center. Sur les vingt premières, seules deux occupaient des postes importants au tout début de l’indépendance du pays, l’ancien Président du Conseil Régional d’Almaty, Esimov, et l’ancien Président sortant du Comité d’État à la Jeunesse, Tasmagambetov. Masimov était alors un spécialiste en chef du Ministère du Travail, Kulibaev était le Directeur du Centre de Conseil Scientifique; Isekeshev, Baibek, Bisimbaev et Dosaev étaient étudiants, Nigmatulin était Président du Comité des Organisations de Jeunesse, Kozhamzharov était enquêteur, Tokaev était le Premier Secrétaire de l'Ambassade d'URSS en Chine, Sagintaev était conférencier, Mamin — Directeur Adjoint de l'Union des Entreprises Innovantes, Zhumagaliev était un élève-officier; Utemuratov était le Chef du Département des Relations Economiques Extérieures du Ministère; Shpekbaev était le Chef du Département des Affaires Intérieures du District, Shukeev était un étudiant diplômé, Asanov était l'assistant du Procureur du district. Ils sont tous devenus ministres, oligarques et généraux dans la nouvelle ère. Les élites n’ont jamais cessé de se renouveler.

Bien entendu, il est toujours possible de critiquer le premier Président. Comme tout être humain, il a commis des erreurs, qui ont dû être corrigées par la suite. Cependant, il faut garder en tête qu’il n’a jamais existé de mode d’emploi pour les Présidents du Kazakhstan, que ce soit sur la manière de construire un pays indépendant, d’effectuer la transition vers un système capitaliste ou de maintenir une harmonie ethnique. Un fait drôle mais représentatif : les deux personnes qui, à différentes époques, se voulaient être les principaux opposants à Nazarbaïev et avaient fui le pays longtemps auparavant, sont toujours en exil, car elles savent qu’elles ne disposent d’aucun appui social dans le pays et que le peuple ne les suivrait pas.

Je voudrais mentionner ici l’alternance du pouvoir, parfois présentée comme la panacée de tous les problèmes politiques. Si ce modèle s’est peut-être avéré efficace à certains endroits du monde, il est utile de rappeler qu’aucune personnalité, pouvant prétendre être l’alternative politique à Nazarbaïev, n’a émergé en dehors de la verticale du pouvoir. La poussée de l’opposition est principalement venue du gouvernement lui-même, et les responsables ayant quitté ne l’ont pas tant fait par divergence idéologique, mais plutôt en raison d’échecs dans les guerres d’appareils. Ils ont quitté, sont revenus, puis ont quitté à nouveau. A aucun moment, l’un d’entre eux n’a représenté une alternative plausible. Ajoutons à cela les procès pour corruption qui n’ont pas quitté de nombreux anciens responsables du gouvernement, et même certains responsables toujours en poste. Hélas, les soupçons de corruption entachent grandement l’autorité morale des élites dirigeantes.

Il a trente ans, Nazarbaïev a dit : « les personnes au pouvoir, en raison d’un culte de la personnalité profondément ancré, ont tout sauf pensé à préparer une relève digne ; au contraire, elles se sont efforcées d’étouffer l’influence croissante de celles en qui elles voyaient des rivaux potentiels, une menace pour leur pouvoir unique. Cela devrait nous servir d’excellente leçon à l’avenir ». Je voudrais attirer l’attention quelques secondes sur cette citation. Bien sûr, on pourrait très bien mettre Nazarbaïev face à sa propre citation aujourd’hui, mais en toute honnêteté, le premier Président connaissait trop bien les responsables du gouvernement, il les avait parfaitement étudiés et éprouvés sous différentes formes. Et tous n’ont pas réussi le test.  

Ces dernières années, il s’est dit ici et là que le premier Président céderait le pouvoir à l'un de ses proches. Cependant, Nazarbaïev, bien qu’ayant nommé certains d’entre eux périodiquement à certaines responsabilités gouvernementales, a sciemment agi de sorte à ce qu’aucun d’entre eux ne dispose de l'expérience suffisante pour diriger le pays. Dès que l’ambition de l’un d’entre eux grandissait un peu trop vite, s’en suivait une démission. Le premier Président a exclu la possibilité de lui succéder à la présidence, même s’il l’a parfois évoqué à des fins de manœuvres politiques.

Le pouvoir, selon la formule de Nazarbaïev, et qui pourrait être déduit de sa politique envers ses collaborateurs, doit être donné à un homme qui pourrait être un président fort et intelligent, et surtout, dont la réputation serait infaillible.  

La question n’est pas tant l’approbation des citoyens au moment des élections, mais plutôt la manière dont l’autoritarisme éclairé, comme système de gouvernance garantissant la paix, la stabilité et le progrès, doit être incarné, en tout premier lieu, par l’autorité morale du chef de l’état.

 

Daniyar Ashimbaev

Politologue, chercheur de premier plan à l’Institut pour la Sécurité et la Coopération en Asie Centrale

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