La Pandémie : nouvelles formes, ancienne histoire

Дата: 28 августа 2020 в 12:33 Категория: Новости авто

Winston Churchill a dit un jour : « Les Généraux se préparent toujours pour la dernière guerre ». Et Martin White son compatriote et politologue d’ajouter : « Et les organisations internationales ont toujours été créées pour tirer des leçons de la guerre précédente ». Il est probable que le système international commence à se préparer bientôt pour éviter une future pandémie comme celle du coronavirus. Et le vaccin pour le COVID-19 fera sans doute son apparition quand le virus aura muté pour ne devenir qu’une infection respiratoire saisonnière.

En attendant, la pandémie a déjà profondément bouleversé la politique et l'économie mondiales. A titre d’exemple, toutes les conférences ont désormais lieu en ligne. Tous les forums – que ce soit sur la sécurité, l'économie, la culture ou l'écologie, et toutes les discussions sous-jacentes, les réunions «sur le terrain», les réceptions et les petits-déjeuners de travail – tout cela s'est réduit à une image sur un écran.

 

À première vue, il semble que rien de si terrible ne se soit produit – même si l'hôtellerie et la restauration ont véritablement souffert. En réalité, les choses sont un peu plus graves. Les politiciens ont l'habitude de se regarder dans les yeux. Comme l'a dit George W. Bush lors de sa première rencontre avec Vladimir Poutine : « Je l'ai regardé dans les yeux et j'ai vu que c'était un homme direct et digne de confiance ».

Les éloges des dirigeants occidentaux à l'égard de Noursoultan Nazarbaïev, après l’avoir rencontré en personne, sont bien connues. Chacun sait également le rôle qu’ont joué les rencontres personnelles du Premier Président avec Boris Eltsine ou ses escapades au ski avec Poutine et Loukachenko. Kassym-Zhomart Tokaïev, Ministre des Affaires Etrangères au milieu des années 90, a rencontré ses homologues russes Andrei Kozyrev et Yevgeny Primakov. Même s’il avait, comme certains ont pu le dire, une relation essentiellement commerciale avec le premier, nul ne contestera la sympathie mutuelle qui a pu transparaître lors des rencontres avec le second.

Dorénavant, on ne peut plus regarder son partenaire de négociation dans les yeux, lui serrer la main ou faire quelque blague. Comment alors, sans cela, résoudre de sérieuses problématiques ? C’est le cas des dirigeants de l'Union Européenne qui n’ont pu parvenir à un accord sur un plan de relance économique que lors d'une réunion «en présentiel», même si celle-ci s’est déroulée de manière « masquée », sans accolades ou poignées de mains. Il est également prévu que le sommet de l'OCS (Organisation de Coopération de Shanghai) se déroule en présentiel, tout comme la réunion des dirigeants des pays d'Asie Centrale.

Un nouveau groupement d’élite de pays est en train de se former sous nos yeux. En plus du groupe très fermé sur le nucléaire (dont nous avons décidé de nous retirer) et du groupe sur le spatial (auquel notre pays peut également être intégré, sous certaines réserves), une alliance entre États verra bientôt le jour, pour travailler de manière indépendante sur la mise au point d’un vaccin contre le nouveau virus (alliance dons nous pourrions faire partie dixit nos scientifiques).

Cependant, certains facteurs restent déterminants en matière de politique internationale.

A commencer par l’économisation de celle-ci, qui se poursuivra. Il demeure toujours une lutte pour l'accès aux ressources et aux technologies, pour attirer les investissements et pour obtenir/préserver sa place dans les chaînes de valeur au niveau mondiale.

Le coronavirus est devenu en quelque sorte un test de flexibilité et de résilience pour les principales économies mondiales. La Chine a été la première à le réussir. Après une chute historique du PIB de 6,8 % au premier trimestre de cette année (une première depuis 1992), l'économie chinoise a affiché une hausse de 3,2 % au deuxième trimestre. Les analystes du groupe UBS prévoient une croissance du PIB de 5,5 % au troisième trimestre et de 6 % au dernier. À la fin de l'année, l'économie chinoise devrait connaître une croissance de 2,5 %.

C'est un bon signe pour le Kazakhstan, étant donné que la Chine est notre principal partenaire commercial. L'auto-isolement des pays a entraîné un déclin au niveau des échanges mondiaux. Selon la Banque mondiale, le volume du commerce mondial a diminué de 13,4 % au cours du premier semestre 2020.

Cependant, le coronavirus n'a guère affecté le commerce entre le Kazakhstan et la Chine. Notre principal produit d'exportation — le pétrole — est acheté par les Chinois dans le même volume qu'auparavant. Selon la société PetroChina West Pipeline Company, plus de 5,34 millions de tonnes de pétrole brut ont été transportées par l'oléoduc Atasu-Alashankou au cours du premier semestre de l'année, pour un volume annuel de 10,88 millions de tonnes l’an dernier. De manière générale, le volume des exportations vers la Chine s'est élevé à 4,8 milliards de dollars au cours du premier semestre (18,6 % de toutes les exportations kazakhes).

La Chine, à son tour, continue également à exporter davantage, principalement vers les États-Unis et l'Europe. En juillet, ces exportations ont connu une hausse de 7,2 % par rapport au même mois de l'année dernière, pour atteindre 237,6 milliards de dollars. Un bon signe pour nous est que, malgré la période de quarantaine au niveau mondial, le volume du trafic ferroviaire ait augmenté, y compris sur le territoire du Kazakhstan.

A l’origine, le transport ferroviaire entre la Chine et l'Europe était plus un projet politique qu'économique. Chacun des conteneurs expédiés n’était payé qu’à moitié par l'État en question, et pas plus tard que l'année dernière, on a signalé que des conteneurs étaient expédiés vides simplement pour rendre des comptes à la direction sur la mise en œuvre de la Nouvelle Route de la Soie.

Tout a changé aujourd'hui. Selon les derniers chiffres de la compagnie nationale chinoise de chemins de fer, 1232 trains ont circulé de la Chine vers l’Europe, soit le plus grand nombre de trains jamais enregistré sur ce trajet. Pas de conteneurs vides ici. Au contraire, les trains sont de plus en plus longs. Le nombre de trains à destination de l'Europe a augmenté de 68 % par rapport à l'année dernière, et le nombre de conteneurs a augmenté de 73 %. Cette année, en sept mois seulement, 6354 vols ont été effectués vers l'Europe, soit 41 % de plus qu'un an plus tôt. La plupart d'entre eux, nous le soulignons, ont traversé le Kazakhstan.

Par ailleurs, la Chine est un investisseur important pour nous. La mise en œuvre des projets se poursuit malgré la pandémie, mais dans le respect des mesures de prévention et de protection. Ainsi, en juillet, une opération sans précédent a été menée pour livrer quatre énormes réservoirs de propane de plus de 500 tonnes chacun au complexe pétrochimique intégré en construction dans la région d'Atyrau (Maître d’œuvre : China National Chemical Engineering Company). L'itinéraire était le suivant : du port d'Ulsan (Corée du Sud) à Istanbul, puis le long de la mer Noire, par le canal Don-Volga — jusqu'à la mer Caspienne, puis le long du canal Oural-Caspienne jusqu'au port fluvial d'Atyrau.

 

 

Un autre élément qui façonne l'agenda international de demain est l’alimentation et la nutrition.

Selon les experts, les plus grandes pertes dues à la récession économique mondiale seront subies par les pays en développement, qui ne peuvent allouer des sommes importantes pour soutenir leurs économies nationales.

Le Directeur Exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM), David Beasley, a récemment annoncé que d'ici la fin de l'année, le nombre de personnes qui souffriront d'insécurité alimentaire aura presque doublé, passant de 140 millions avant la pandémie à 270 millions. « Nous sommes en proie à une famine aux proportions bibliques », a résumé M. Beasley. Afin de réduire la menace de la faim et en particulier son impact sur les pays pauvres, la communauté internationale, dans sa globalité, doit faire preuve de solidarité.

Le risque de famine ne touche pas le Kazakhstan. Au contraire, nous augmentons nos exportations de produits alimentaires, nous sommes depuis longtemps un des acteurs importants du marché mondial du blé et nous renforçons progressivement nos positions sur le marché chinois. Nous fournissons également une assistance à d'autres pays, et pas seulement d’ordre alimentaire.

Il a été récemment décidé de créer l'Agence de Développement International du Kazakhstan KazAID, sous la forme d'une société par actions à but non lucratif dont le capital autorisé est détenu à 100 % par l'État. KazAID deviendra l'acteur principal de l’aide publique au développement, que le Kazakhstan fournit depuis longtemps par le biais des Nations Unies ou de manière bilatérale. Au bout du compte, nous avons fourni, selon le Ministère des Affaires Etrangères une aide de 500 millions de dollars depuis l’indépendance, qui a été affectée au développement social et économique, ainsi qu'à la construction d'écoles, d'hôpitaux et d'infrastructures de transport.

Après l'approbation des orientations principales de la politique d'État de la République du Kazakhstan dans le domaine de l'aide publique au développement pour 2021-2025, ces travaux deviendront systémiques. Les pays d'Asie Centrale et l'Afghanistan seront les principaux bénéficiaires de notre aide, ce qui signifie que les priorités de notre pays n'ont pas changé, ils en constituaient déjà les principaux destinataires.

Revenons maintenant à la question de la confiance à l'ère des vidéoconférences. Supposons que les chefs d'État continueront à se rencontrer «dans la vraie vie» et pourront se regarder dans les yeux, et échanger une tape sur l'épaule. Après tout, les pays resteront toujours unis sur certaines valeurs et principes, mais il sera plus difficile de se sentir membre d’une équipe sans cérémonie officielle. Cela a toujours été le cas depuis la Préhistoire.

Mais que doivent faire les ministres, les hauts fonctionnaires et les experts ? Ils devraient se réunir beaucoup plus souvent que les présidents. Jusqu'à présent, ils le font exclusivement en ligne et il est fort probable que cela en soit ainsi à l’avenir. Certes, cela présente des avantages, ne serait-ce que le fait de réduire les frais de déplacement. Mais qu'en est-il des conversations de couloir, non publiques, autour d'une tasse de café ? La diplomatie qui siège dans les réunions est sans doute très différente de celle des conférences téléphoniques.

Si la dimension humaine ne fonctionne pas, elle sera remplacée par le facteur institutionnel. En d'autres termes, on observe une demande croissante pour des mesures destinées à renforcer la confiance et pour des institutions internationales pertinentes. L'une d'entre elles est la Conférence pour l'Interaction et les mesures de Confiance en Asie (CICA), initiée à l'époque par le Kazakhstan et dont la présidence tournante a été transférée en septembre à notre pays. Aussi, nous devrions voir prochainement les fruits du travail de cette organisation.

 

Nikolay Kuzmin, Politologue

Chercheur Principal à l’Institut pour

la Sécurité et la Coopération

en Asie Centrale

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